Glossaire :

Apiculture : élevage des abeilles afin d’exploiter la ruche (miel, gelée, cire, gelée royale, propolis)

Pollinisation : exportation par les abeilles du pollen pour la reproduction des fleurs.

Surmortalité : taux de mortalité anormalement élevé

Dépeuplement : baisse progressive du nombre de représentant d’une espèce.

Ethnologue : spécialiste d’ethnologie, étude scientifique et systématique des sociétés dans l’ensemble de leurs manifestations linguistiques, coutumières, politiques, religieuses et économiques, comme dans leur histoire particulière.

Cour d’appel : elle réexamine les affaires jugées en premier degré en matière civile, commerciale, sociale ou pénale. La cour d'appel juge les affaires sur le fond.

SPMF : Syndicat des Producteurs de Miel Français (composé d’apiculteurs professionnels).

IRD : Institut de Recherche pour le Développement

UNAF : Union Nationale de l’Apiculture Française

AFSSA : Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments, ancien établissement public français qui a fusionné en juillet 2010 avec l’Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Environnement et du Travail pour former l’Agence Nationale chargée de la Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail.

DGAI : Direction Générale de l’Alimentation

RESATA : Réseau Sanitaire Apicole des Troubles de l’Abeille

Puces RFID (Radio Frequency Identification) : puces électroniques constituées d’une antenne et d’un microprocesseur. Ces cartes permettent de mettre à jours directement les informations via l’antenne contrairement aux cartes à puces (carte bancaire, téléphonique…etc). Elles sont utilisées pour l’identification d’animaux, les contrôles d’accès par badge, pour les péages automatiques

Présentation des différents acteurs :

 

           En 2001, Jean Fedon  (apiculteur professionnel depuis trente-cinq ans) a réalisé des essais près de parcelles de tournesol traitées au Régent. Un témoin était installé sur une zone sans tournesol. Il pesait ensuite les ruches deux fois par semaine le matin à 8 heures pour estimer la quantité d’abeilles.  Aucune perte anormale n’a été remarquée. Il a ensuite réitéré l’expérience en 2003 avec vingt ruches et réalisé les pesées sur trois d’entre elles, obtenant les mêmes conclusions. (En 2006, il préface l'enquête de Gil Rivière-Wekstein, intitulée Abeilles, l'imposture écologique). Mais quelques mois plus tard, il a affirmé qu'il y avait surmortalité des abeilles mais que cette dernière était loin d'être uniforme sur le territoire national.

          Joël Schiro, président du SPMF, syndicat des producteurs de miel français (composé d’apiculteurs professionnels) affirmait que « les mortalités 2007/2008 dépasseront en ampleur tout ce que nous avons connu par le passé » ainsi que « Les mortalités d’abeilles 2007/2008 sont catastrophiques ».

          Lhucein Bounnit, apiculteur traditionnel de renom de Sidi Ifni, sud du Maroc (40 ans d'expérience apicole), utilise trois types de ruches différentes. Il explique lors de son entretien avec Romain Simenel qu’il perd régulièrement tous les trois ou quatre ans la quasi-totalité de son cheptel dû aux aléas climatiques (notamment la sécheresse). Mais, au printemps suivant,  il reconstitue ses colonies en leur laissant suffisamment de miel afin de se nourrir. Il prélève ensuite seulement ce que les abeilles laissent dans les ruches.

 

          UNAF est le syndicat le plus actif dans la disparition des abeilles. C’est le premier à avoir mis en avant un lien possible entre l'utilisation de pesticides systémiques (le Gaucho et le Régent) et une mortalité anormale de colonies d'abeilles. Il a lancé en 2005 le projet « L’abeille, sentinelle de l’environnement », dans le but d’informer le grand public sur le danger de l’utilisation des pesticides, en collaboration avec la confédération paysanne. Selon ces organisations, en 2002 et 2003, 90 % de certaines ruches ont été éliminées quand les abeilles ont butiné des tournesols dont les semences avaient été enrobées de Régent. 

          Romain Simenel, ethnologue français à l’IRD, mène une étude dans la région de Sidi Ifni, au sud du Maroc en 2010. Cette recherche porte sur la richesse des savoir-faire apicoles des tribus berbérophones. A l’heure où la production industrielle de miel envahit ces régions présahariennes et menace la survie de l’abeille saharienne et l’existence des ruches locales, il s’appuie sur les rencontres avec les apiculteurs locaux dont Lhucein Bounnit pour étayer son étude.

          Mariano Higes, chercheur espagnol et spécialiste de l’abeille au sein du Laboratoire des pathologies de l’abeille (Castilla-La Mancha) et son équipe réalisent une étude « épidémiologique préliminaire »  publiée en juillet 2010 concernant les différents facteurs liés aux pertes de colonies d’abeilles en Espagne. Ils effectuent des prélèvements sur onze provinces espagnoles afin de comprendre le rôle potentiel et d’évaluer l’influence de la combinaison de tous ces facteurs. Il refuse d’établir un lien entre l’effondrement des colonies d’abeilles et les pesticides. De plus, il constate un manque de cohérence entre les pollens dominant retrouvés dans les ruches et les indications fournies par les apiculteurs concernant les cultures de butinage des abeilles. Ces informations ainsi que le nombre restreint de prélèvements permettent seulement de valider une étude préliminaire et l’obligent à relancer une nouvelle étude. 

          Un rapport de l'AFSSA rendu public le 15 février 2008 conclut à l'absence d’effondrement de population dans les colonies d'abeilles étudiées. L’AFFSA affirme « les principales conclusions mettent en évidence l’absence d’effondrements de la population des colonies tels que décrits par les apiculteurs lors de l’exploitation de certaines miellées au cours de notre étude. Il n'y a pas de disparition soudaine et importante des abeilles ». L’AFFSA exprime clairement qu’il n’y a pas de surmortalité. De nombreux apiculteurs dénoncent ce rapport et s’y opposent. 

          Le réseau DGAI (Direction Générale de l’Alimentation) a été chargé de surveiller les troubles d’abeilles, devant recenser les incidents d’intoxication par produits phytosanitaires, s’exprimant par des phénomènes de « mortalités brutales » et de « dépopulations importantes » (selon le bilan 2003 du réseau DGAI). Ce bilan conclut qu’il s’agit d’une dépopulation importante et non d’une surmortalité car peu cadavres d’abeilles sont retrouvés dans les ruchers. Il observe donc une absence d’abeilles qui ne rentrent plus dans les ruches et souligne la difficulté à le démontrer. 

          Le RESATA constate des troubles de l’abeille. Il s’appuie sur les bilans et les rapports des autres associations comme l’AFSSA. 

          Martial Saddier, député de Haute Savoie affirme que la surmortalité des abeilles « n’est pas contestable » et qu'elle atteint des taux « de 30 à 40 % avec des exemples quotidiens de destruction totale du cheptel » en se basant sur des témoignages d’apiculteurs. Il devait analyser les causes de la surmortalité et  proposer un plan pour une « apiculture durable ». Ce rapport fut rendu à François Fillon le 10 octobre 2008.

          La cour d’appel de Toulouse a confirmé, le 2 septembre 2010, le non lieu prononcé en janvier 2009 au bénéfice des sociétés Bayer et BASF. Le Régent, commercialisé par ces firmes et interdit en France depuis 2004, était accusé d’être  l’un des facteurs essentiels à l’origine de la surmortalité des abeilles. L’UNAF et  la Confédération paysanne affirment la dangerosité de ce produit pour les abeilles. De plus, l’UNAF a immédiatement formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt. Les apiculteurs français sont révoltés. 

          Bayer et BASF commercialisent le Régent et le Gaucho, pesticides neurotoxiques produits à base de fipronil, substance interdite depuis 2004 en France et dans la plupart des pays Européens.

          Jean-Marc Pétat, directeur filière environnement et communication de BASF Agro s’appuie sur le témoignage et les tests de l’apiculteur professionnel, Jean Fédon ainsi que sur la décision judiciaire du juge d'instruction de Saint-Gaudens en Haute-Garonne en janvier 2009 et la confirmation de la cour d’appel de Toulouse.